AVS21 : NON à une réforme injuste

L’AVS est le pilier central, la locomotive ou encore le cœur de notre politique de prévoyance vieillesse. Il est utile de rappeler qu’en date du 6 juillet 1947, le peuple suisse acceptait massivement, avec 80 % de votes favorables, la Loi sur l’assurance vieillesse et survivant. Personne n’oserait affirmer qu’à cette époque la Suisse était assurée d’une prospérité florissante ! Pourtant les Autorités et le peuple, en pionniers, ont fait le choix de la solidarité.

Le Conseil Fédéral nous propose une réforme austère et injuste, avec un programme de sacrifices réservé aux personnes qui ont déjà beaucoup donné à notre économie. En effet, en plus de leurs activités non rémunérées (organisation du travail à la maison, proches aidantes pour leurs parents, garde des petits-enfants), les femmes approchant aujourd’hui de l’âge de la retraite sont nombreuses à occuper des postes de travail pénibles, notamment dans le domaine de la vente, des soins, du nettoyage ou encore de la restauration. Certes, elles n’ont pas le monopole des métiers pénibles ; toutefois, force est de constater que dans les métiers masculins, grâce au partenariat social, les maçons par exemple et fort heureusement, peuvent prendre une retraite anticipée à 60 ans.

A la pénibilité du travail s’ajoute régulièrement des bas salaires. Il est indécent d’affirmer que les femmes pourront librement fixer le moment de leur départ à la retraite entre 63 et 70 ans, alors qu’on observe à quel point il est difficile de trouver un emploi, à partir de 55 ans déjà. Il est condescendant de leur faire miroiter la flexibilité comme un élément d’émancipation, alors qu’avec leur petit salaire, si elles ont un emploi, elles n’auront pas d’autres choix que de travailler « jusqu’au bout » pour éviter une diminution de leur modeste rente. Pour rappel, à l’âge de la retraite les femmes touchent en moyenne un tiers de moins de rente que les hommes.  Une femme sur quatre ne dispose que de la rente AVS pour vivre chichement avec un montant qui se situe entre 1’195.– et 2’390.– au maximum. On peut encore ajouter à ce sombre tableau le fait qu’il n’y a évidemment pas de corrélation entre la pénurie de spécialistes MINT sur le marché du travail et les compétences des femmes proches de la retraite. De qui se moque-t-on ?

Certes, on nous fait miroiter des montants de compensation pour les femmes nées entre 1961 et 1969. La compensation mensuelle de 160.- si souvent valorisée, concerne uniquement les femmes nées en 1963 et en 1964 disposant d’un revenu annuel inférieur à 57’360.–. Le système étant dégressif, avec un salaire dépassant 71’701, une femme née en 1968, touchera 12.50 par mois, certes à vie mais elle aura perdu une rente annuelle de l’ordre de 26’000.- Où donc se situe l’équité ?

Alors qu’il est vital de réformer le second pilier (LPP), la commission parlementaire traitant de cet objet vient de décider le report de son traitement. On ne peut s’empêcher de redouter que les promesses d’amélioration resteront au stade des promesses… On connaît ce refrain pour ce qui concerne l’égalité salariale. Le Conseil fédéral a publié ce 7 septembre un rapport relatif aux inégalités salariales. Il est édifiant de lire qu’en moyenne l’écart salarial est de 19 % au détriment des femmes et qu’il atteint même 25,8% pour le groupe d’âge des 50 ans et plus. Avec une revalorisation salariale, les femmes cotiseraient simplement plus et le financement de l’AVS en serait accru d’autant.

Venons-en au financement de l’AVS qui serait au bord du gouffre financier. Alors qu’en 2011, le Conseil fédéral prédisait que vers 2020, la fortune de l’AVS commencerait à fondre de plus en plus vite, en 2021, le fond AVS a été augmenté de 2,6 milliards de bénéfices pour atteindre avec 47 milliards son plus haut niveau de l’histoire. Les chantres de la réforme affirment aussi que nous encombrons les jeunes générations avec un cadeau empoisonné découlant des enjeux démographiques. Oui, notre espérance de vie augmente. Mais, il est réducteur d’affirmer que les travailleuses et les travailleurs sont de moins en moins nombreux pour financer les rentes. On confond allègrement population en âge de travailler et salariés. En 1970 les femmes représentaient un tiers de la population ayant un travail salarié, alors qu’en 2020, elles sont largement plus de 60 % à travailler.

Pour conclure, on pourrait tout à fait prévoir un financement spécifique pour la cohorte des « baby-boomers » qui vont arriver à la retraite. Juste préciser qu’avec une hausse de cotisations de 0,08% pour les salariés et les employeurs, on finance la réforme issue de l’augmentation de l’âge de la retraite des femmes. Avec 0,25% on se retrouve en 2032 avec un fonds AVS de environs 43 miards, soit le montant de la réforme globale, y compris la hausse de la TVA. Il existe des réponses assurément plus justes que de faire travailler les femmes une année de plus et d’augmenter la TVA.

Un NON s’impose. L’égalité ne se marchande ni avec des promesses ni avec des menaces ; elle se construit dans un élan qui au lieu de diviser, réunit les intérêts de l’ensemble de la population et améliore le pouvoir d’achat de l’ensemble des retraités.

Elisabeth Baume-Schneider, Conseillère aux Etats

Delémont, le 22 septembre 2022 / pch

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