Le QJ et RFJ appartiennent au patrimoine jurassien

Au même titre que le drapeau à la crosse, que les peintres Coghuf et Jean-François Comment, que les poètes Jean Cuttat et Alexandre Voisard, que l’horlogerie et l’industrie des machines, que la Tête de Moine ou le cheval des Franches-Montagnes, Le Quotidien jurassien (LQJ) et Radio Fréquence Jura (RFJ) appartiennent au patrimoine jurassien. Jour après jour, ces deux médias – de même que Canal Alpha – font revivre ce patrimoine et contribuent au débat démocratique dans notre région. Cette partie de notre patrimoine est aujourd’hui menacée. Mais à condition de soutenir le projet d’aide aux médias, le 13 février prochain, nous pourrons écarter ce danger.

Concentration, Internet, Covid-19

Les difficultés de la presse écrite, parlée et audiovisuelle tiennent à plusieurs phénomène :


• La concentration économique inhérente au système capitaliste, qui n’épargne pas les médias, comme en témoignent la disparition de L’Hebdo, du Giornale del Popolo, et du Matin version papier, les difficultés du Courrier, seul quotidien romand de gauche, ou l’état de survie dans lequel se trouve l’Agence télégraphique suisse. Depuis 2003, environ 70 journaux suisses ont mis la clé sous la porte !


• Le déplacement d’une partie importante de la publicité des médias traditionnels (journaux, radios, TV) vers Internet. Ses géants – en particulier Facebook et Google – réalisaient 2 milliards de recettes dans ce secteur en 2020, drainant ainsi deux tiers des revenus publicitaires des médias suisses.


• L’emprise croissante des réseaux asociaux dont les créateurs font croire qu’ils remplacent les médias classiques et que chaque individu est un journaliste en puissance.


Depuis bientôt deux ans, ces phénomènes ont encore été amplifiés par la crise sanitaire liée au coronavirus.

La démocratie en danger

Ces processus mettent en danger le débat démocratique, car celui-ci ne saurait exister sans des médias forts et indépendants, dont le financement ne peut pas reposer exclusivement sur la publicité et les abonnements. Les radios locales et la presse régionale jouent un rôle central pour assurer la pluralité des opinions, de même que la presse associative (syndicale, professionnelle, agricole, environnementale, etc.). Malgré cela, Economiesuisse, organisation du grand patronat, et l’Union suisse des arts et métiers (USAM) ont décidé de combattre le train d’aide aux médias, de même que des populistes d’extrême droite comme l’éditeur de la Weltwoche Roger Köppel et des théoriciens complotistes. Il est vrai qu’avec le soutien quasi illimité de Christoph Blocher, Roger Köppel peut se passer de toute aide fédérale !

Des enjeux énormes

Les principaux instruments du train de mesures en faveur des médias sont les suivants :


• Le rabais de distribution (tarifs postaux) pour les quotidiens et les hebdomadaires ainsi que pour les périodiques des associations. Près de 80% de cette aide est allouée aux journaux de petite et de moyenne taille.


• L’aide indirecte à la presse s’appliquera aussi à la distribution matinale, pour permettre aux abonnés de lire leur quotidien tôt le matin. Certains journaux, comme Le QJ, n’utiliseront pas ce soutien à la distribution matinale. Ils préfèrent continuer de travailler avec La Poste, ce qui contribue au maintien de l’emploi au sein du géant jaune.


• L’aide aux radios privées locales et aux TV régionales sera augmentée. A cela s’ajoutera un soutien aux médias en ligne payants, ce qui favorisera une offre de qualité, notamment par l’engagement de journalistes.


• Une importance particulière est accordée aux agences de presse.


• Enfin, la formation et la formation continue des journalistes seront renforcées.


Un montant maximum de 151 millions de francs par année est prévu pour ce train de mesures, mais cette aide supplémentaire sera limitée à sept ans. Une somme toute modeste par rapport aux enjeux médiatiques, démocratiques et régionaux énormes et qui n’entraînera aucune taxe supplémentaire. Et une paille par rapport aux 24 milliards que l’armée compte dépenser entre 2020 et 2024 ! Et qu’on ne vienne pas dire que ces mesures mettront les médias sous la coupe de l’Etat, car l’indépendance d’un journal ou d’une radio, c’est d’abord sa solidité financière !

L’aventure au coin de la rue

A nos yeux, il manque un volet à cette loi, soit un soutien plus prononcé à l’innovation technologique et au développement du journalisme de qualité. Mais ne faisons pas la fine bouche, car s’il est accepté, le projet soumis au vote du peuple le 13 février consolidera la position des médias qui, comme le QJ, RFJ et Canal Alpha, ont pour mission de développer l’information régionale. Et c’est heureux, car comme disait Maurice Siegel, directeur d’Europe No 1 de 1961 à 1974 : « L’aventure commence au coin de la rue. »

Delémont, le 14 janvier 2021 / Jean-Claude Rennwald, politologue, militant socialiste et syndical, ancien journaliste / Tribune publiée dans le Quotidien jurassien

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